Commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda
7 AVRIL 1994 – 7 AVRIL 2017 Jour de commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda.
Ne perdons pas la mémoire.
IBUKA, souviens-toi!
En mémoire de ces jours d’horreur, voici le témoignage d’un rescapé du massacre de l’église de Nyamata.
La plupart des habitants de Nyamata se sont réfugiés dans l’église croyant échapper au massacre. Ils y seront assiégés durant huit jours
C’est le huitième jour (le 14 avril) qu’est survenue la catastrophe. Vers 11h., sont arrivés les militaires et les interahamwe. Parmi eux, il y avait des femmes. Quelqu’un a lancé je ne sais quoi à travers la porte. Aussitôt s’est élevé un nuage de fumée qui nous a fait tousser et reculer. Les yeux brûlaient comme si c’était du poivre. Alors les tueurs sont entrés. Les jeunes gens qui n’avaient rien pour se défendre ont arraché des morceaux de bancs pour les jeter contre les assaillants. Aussitôt, les militaires ont abattus les jeunes gens. Derrière eux, c’était une énorme cohue d’interahamwe, et parmi eux, il y avait des femmes, et parmi eux, il y avait même nos voisins. Et ils se sont mis à massacrer, à coup de machettes, rien qu’à la machette, à la machette…
Il leur a fallu du temps pour arriver jusqu’à moi. Celui qu’on avait découpé devant moi m’est tombé dessus. J’étais couvert de sang et ils ont cru que j’étais mort. Plus tard, les interahamwe sont revenus pour récupérer l’argent des victimes. Ils m’ont retourné pour fouiller mes poches. C’est alors que j’ai réalisé que j’étais encore en vie. J’ai reçu des coups de machette. Ils m’ont tailladé le visage et une jambe, au-dessus du genou. Je suis resté sans bouger comme si j’étais mort. Lorsque j’ai ouvert les yeux, il faisait noir.
Quand la lumière du jour est revenue, je me suis souvenu de l’endroit dans l’église où était mes parents. J’y suis allé. Ils avaient été tués. En déplaçant les corps, j’ai vu émerger sous la cadavre de ma mère, saine et sauve! Qu’elle ne soit pas blessée m’a semblé un miracle. Je l’ai tirée de là et nous sommes allés nous cacher à la maternité. Il me semblait qu’il n’était pas possible de tuer des femmes enceintes et des nouveaux nés….
Les rescapés qui ont cru trouver refuge à la maternité seront massacrés le lendemain matin avec les femmes en couche et les bébés…Le témoin réussira encore à s’échapper.
Témoignage de Philipo Kayitare, berger à Kazenze, interviewé à l’hôpital de Nyamata, le 2 juin 1994, par l’Organisation African Rights, publié dans Death, Despair and Defiance ,London, september 199, pages 218-220.