La Croix : Reine africaine insoumise
Vous pouvez lire dans le journal La Croix daté du 24 mars 2016 une critique de Corinne Renou-Nativel sur mon roman « Coeur Tambour » publié par Gallimard.
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Faisant la part belle aux légendes rwandaises, Scholastique Mukasonga relate la trajectoire fulgurante de Kitami, « l’Amazone noire ».
Cœur tambour, de Scholastique Mukasonga Gallimard, 180 p., 16,50 euros
Une vieille valise contenant un fer de lance noirci, des dessins représentant Kitami en amazone dénudée d’heroic fantasy, un cahier où celle-ci relate son enfance et sa jeunesse, tel est le contenu d’un carton reçu par un éditeur après la disparition, dans des circonstances mystérieuses, de cette chanteuse africaine à la renommée mondiale.
En introduction à la publication de ce carnet, l’éditeur rappelle le parcours et la légende de cette diva noire, qui connut un fulgurant succès planétaire en un seul album, Kitami’s Chant, vendu à un million d’exemplaires.
Chanteuse mais aussi grande prêtresse comme malgré elle, Kitami réunissait fans et dévots dans des concerts où, en transe, elle entonnait un long poème murmuré ou hurlé, triste ou joyeux, en kinyarwanda, sa langue maternelle, mêlé d’anglais rasta-jamaïcain, de français créolisé, de wolof…
C’est Ruguina, son tambour sacré, dont elle seule connaissait les secrets, qui faisait descendre en elle « l’esprit du Chant ». Son incantation magique, se souvient l’éditeur, « plongeait peu à peu l’auditoire dans une absolue béatitude, mêlée d’un grain d’hystérie, dont on avait, longtemps après son concert, peine et regret à se défaire ».
Dans son cahier, Kitami convoque cette époque où elle n’était que Prisca, jeune Rwandaise au vif désir d’apprendre, regardée avec défiance par son entourage qui la soupçonne d’être une sorcière, peut-être l’héritière de Nyabingui, vieille femme capable de provoquer la maladie, mais aussi de soigner les épouses stériles.
Tutsie, Prisca est menacée quand monte la haine qui conduira au massacre des siens. Trois tambourinaires étrangers l’aident à devenir Kitami, la « servante » de Ruguina, son tambour qui – meurtre, accident ou suicide ? – la tuera.
La langue belle et altière de Scholastique Mukasonga sied à merveille à cette fresque commencée dans un village rwandais et achevée tragiquement sur une île des Antilles. Le récit balaie une existence et les sortilèges d’un pays qui s’apprête à perpétrer un génocide.
Le carnet à la première personne apparaît comme la partie la plus fascinante et la plus touchante de cette fable. Peut-être parce que le lecteur, par la voix de Prisca, a la sensation, à tort ou à raison, d’écouter Scholastique Mukasongo se raconter en enfant « solitaire et rêveuse », tourmentée par les humiliations des Hutus.