Scholastique Mukasonga : du Rwanda au Calvados
D’origine Tutsi du Rwanda, Scholastique Mukasonga vit aujourd’hui à Saint-Aubin-sur-Mer et travaille à Caen comme assistante sociale. Entrée dans le monde littéraire en 2006 avec son récit autobiographique Inyenzi ou les Cafards, elle a reçu en novembre dernier le prix Renaudot pour Notre-Dame du Nil, son premier roman.
Née au Rwanda en 1956, Scholastique Mukasonga connaît dès l’enfance la violence et les humiliations des conflits politiques et ethniques qui agitent son pays. Exilée de ce dernier en 1973, elle s’établit en France en 1992 puis s’installe dans le Calvados, d’où est originaire la famille de son mari. « Si je n’ai pas choisi la Normandie, j’ai tout de suite apprécié ses paysages qui me rappelaient par bien des côtés ceux de mon pays natal : les collines vertes du Pays d’Auge ou du Bocage, les vaches, la pluie… Assistante sociale, longtemps basée à Villers-Bocage, j’ai parcouru toutes ces campagnes et l’accueil que j’y ai reçu m’a beaucoup touchée : la gentillesse s’y exprime avec réserve et discrétion, des qualités de comportement qui sont aussi celles cultivées par les Rwandais. »
La littérature au service de la mémoire
En 1994, année du génocide des Tutsi, qui fait un million de morts en 100 jours, Scholastique Mukasonga apprend que 37 membres de sa famille ont été massacrés, dont sa mère Stefania… Douze ans plus tard, Inyenzi ou les Cafards, récit autobiographique, est publié par Gallimard et marque l’entrée de Scholastique Mukasonga dans la littérature qui, pour elle, s’apparente au territoire de la mémoire. « C’est le génocide des Tutsi au Rwanda qui a fait de moi une écrivaine. Il s’agissait pour moi d’un devoir impérieux de redonner une personnalité humaine, un nom, à tous ceux dont les corps gisaient, anonymes, dans les charniers et que, durant leur vie, on avait traité de Cafards. »
La Femme aux pieds nus puis L’Iguifou
Témoin de la souffrance et des chaos de son pays, certes, mais écrivaine à part entière : la nécessité de témoigner, de parler de l’histoire de son peuple, a révélé à Scholastique Mukasonga son propre talent et son amour pour l’écriture. En 2008, elle publie La Femme aux pieds nus, un hommage rendu à sa mère et à toutes les mères courage. Le livre reçoit le prix Seligman contre le racisme. En 2010, L’Iguifou, son troisième ouvrage, reçoit le prix Renaissance de la Nouvelle et le prix de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer.
Le prix Renaudot pour Notre-Dame du Nil
Aujourd’hui, celle qui se dit autant Normande que Rwandaise, trouve son inspiration dans sa région d’adoption et notamment à Saint-Aubin-sur-Mer où elle réside avec son mari. Après trois livres autobiographiques, elle a choisi d’explorer un nouveau genre littéraire : le roman. Notre-Dame du Nil, paru en mars 2012, a reçu en novembre dernier le prix Renaudot. Scholastique Mukasonga est ainsi devenue le cinquième auteur africain lauréat de ce prix convoité : « une reconnaissance en tant qu’écrivaine mais surtout un hommage au million de victimes du génocide ».
Rédigé par : Conseil Général du Calvados