Prix Renaissance de la nouvelle 2011

Une écriture sobre, élégante, distanciée et poétique. Le 20e Prix Renaissance de la nouvelle récompense l’écrivaine rwandaise Scholastique Mukasonga, pour son recueil « L’Iguifou » paru chez Gallimard. Depuis 1992, le jury distingue des auteurs de talent et des ouvrages de qualité.

« C’est le massacre de ma famille qui a fait de moi une écrivaine. » Scholastique Mukasonga raconte son histoire tragique au public venu assister à la remise du 20e Prix Renaissance de la nouvelle, le 21 mai à la Ferme du Douaire (Ottignies). Elle explique comment elle a échappé au génocide rwandais, en 1994, parce que ses parents l’avaient choisie pour être la gardienne de la mémoire. Un premier livre autobiographique « Inyenzi ou les cafards » paru en 2006, puis un second « La femme aux pieds nus », hommage à sa mère, paru en 2008 (NDLR : récompensé par le « Prix Seligmann contre le racisme » de la Chancellerie des université de Paris), lui ont fait attraper le virus de l’écriture. « Avoir pu exprimer les choses m’a permis d’aller au-delà de la souffrance et de reconstruire le Rwanda de mon enfance. Je ne pouvais pas m’arrêter au témoignage, il fallait aller plus loin. »

Son 3e recueil, « L’Iguifou » (5 nouvelles), paru dans la collection « Continents noirs » de Gallimard, a séduit le jury du Prix Renaissance de la nouvelle. « Parce qu’il tranchait – par le poids de son sujet, le génocide rwandais – sur l’ensemble de la production récompensée jusqu’ici… et parce que l’écriture était à la hauteur de la gravité du sujet : un récit efficace et sobre, une expression naturelle, sans ficelles », commente Georges-Olivier Châteaureynaud, dans le jury depuis 20 ans.

La lauréate, mandataire judiciaire pour l’UDAF (Union Départementale des Associations Familiales) de Caen, ne connaissait pas le Prix Renaissance de la nouvelle. Elle l’a reçu avec d’autant plus d’émotion qu’elle en a mesuré l’excellence du jury. Sur notre photo, elle rencontre le lauréat de 2010, François Hinfray.

Un jury intègre

La cérémonie fut l’occasion, pour Michel Lambert (cofondateur du Prix avec le regretté Carlo Masoni), de revenir sur « ce long voyage de 20 ans qui nous a permis de constater que la nouvelle est extrêmement diverse ». Il a cité les noms de tous les lauréats, souligné le fait qu’ils étaient publiés par 17 maisons d’éditions différentes (preuve de l’intégrité des membres du jury, lesquels ne figurent d’ailleurs pas parmi les lauréats : « on ne peut pas à la fois donner et recevoir »), remercié les autorités communales qui ont toujours soutenu l’initiative.

L’échevin de la Culture a félicité les membres du jury qui font œuvre utile depuis 20 ans en distinguant des auteurs de talent et des ouvrages de qualité. « La littérature est sans doute la forme artistique la plus adéquate pour produire et transmettre du sens par-dessus le brouhaha que génère la course générale du monde », a déclaré David da Câmara Gomes. « La littérature est à la fois le témoin et l’interprète de son époque. Et ces créations nous sont absolument nécessaires pour développer notre sensibilité, notre culture, notre humanité, voire notre spiritualité… ».

L’échevin Jacques Benthuys, qui avait la Culture dans ses attributions il y a 20 ans, a rappelé quelques souvenirs – comment il se sentait culturellement complexé au moment de lire son discours devant le jury composé de « monstres de la littérature» – avant d’offrir une clé USB à Michel Lambert. « Tu pourras y rassembler tous nos discours, et les photos qui les accompagnent, pendant au moins 50 ans » (allusion au fait que le cofondateur du Prix a toujours déploré de ne pas pouvoir disposer du discours de l’échevin avant la remise du Prix. Et pour cause : le discours est rarement rédigé à l’avance !).

Une grande estime du milieu littéraire

Le fait que le Prix Renaissance de la nouvelle soit remis par un jury composé d’auteurs belges et français (Claude Pujade Renaud, Alain Absire, Georges-Olivier Châteaureynaud, Jean-Claude Bologne, Ghislain Cotton, Michel Lambert et Marie-Hélène Laffont) a séduit la Société Française des Intérêts des Auteurs de l’écrit (SOFIA), qui a décidé de financer le concours. C’est l’un des plus importants, avec le Goncourt de la Nouvelle et le Prix de la Nouvelle de la Société des Gens de Lettres. Il bénéficie d’une grande estime du milieu littéraire, même s’il n’est pas médiatisé comme il le mériterait.

« Il y a 3000 prix littéraires, en France. En dehors des grands prix d’automne, extrêmement médiatisés, on en parle guère », regrette Georges-Olivier Châteaureynaud. Celui-ci passe en revue les 20 lauréats du prix franco-belge et parle d’un sans-faute. « Certains auteurs sont moins dans l’actualité, d’autres sont malheureusement décédés… mais nous avons toujours couronné d’excellents nouvellistes. »